Hundegger

Pour une filière forêt-bois plus cohérente


Suite à l'enquête de la cour des comptes remise le 9 novembre 2014, sur le déficit commercial chronique de 6 milliards d'euros (10% du total de la France) d'une filière forêt-bois qui reçoit par ailleurs 910 millions d'aide publique, une audition pour « suite à donner » a eu lieu début avril 2015, audition dont les sénateurs rapporteurs Alain Houpert et Yannick Botrel ont tiré un rapport sévère sur le secteur et son organisation.


Un rapport du Sénat pour une filière bois plus cohérente
crédit photo : Cmp Bois / Emmanuel Bourdillat

Qui aime bien , châtie bien !

Les sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel sont sensibles à la filière bois dont ils connaissent le potentiel mais pointent, sans pitié, certains paradoxes :
> La forêt française est morcelée, à 75% aux mains de propriétaires privés, et elle est composée à 60% de feuillus là où la demande est à 75% pour les résineux.
> La politique forestière, qui dépend de 5 ministères et de multiples organisations professionnelles, manque de cohérence et aurait besoin d'un pilote unique qui aurait une vue globale des enjeux et des objectifs de tous les acteurs.
> L'opérateur public ONF est insuffisamment concentré sur la mobilisation de la ressource.
> Pour une part, le modèle économique de la filière, qui conduit à un déficit chronique, est proche de celui de pays en développement, qui exportent de la matière première pour importer des produits finis.
> Pourtant, la filière forêt-bois ne manque pas de soutiens publics mais ils sont trop nombreux et mal orientés.
> Les mesures pour inciter l'amont de la filière à mobiliser la ressource sont inefficaces, notamment en ce qui concerne les particuliers.
> Une part trop importante du soutien à l'aval de la filière va au bois énergie qui présente une faible valeur ajoutée et absorbe une partie des bois nécessaires à d'autres branches comme la fabrication de panneaux.

Quelles solutions pour donner une tendance claire à la politique bois-forêt ?

Les sénateurs rapporteurs Alain Houpert et Yannick Botrel ont bien conscience que nombre des défauts qu'ils pointent sont déjà connus. Mais ils constatent aussi que la situation n'évolue pas alors que des pans entiers de la filière disparaissent. Ils prennent pour exemple la production de charbon de bois. Autrefois florissante en France, cette activité ne compte plus que deux unités de fabrication qui peinent à trouver du bois. Et pour cause : celui qu'elles utilisaient est maintenant consacré au bois énergie. La conséquence est que la France importe la majorité du charbon de bois qu'elle consomme. Il ne s'agit pas pour autant de sacrifier le bois énergie au profit des autres activités. Mais l'exemple montre bien qu'un développement contrôlé et des aides mesurées auraient pu préserver l'un sans brider l'autre. Dans cet esprit, le rapport préconise les orientations suivantes :
> Etablir un comité de pilotage stratégique unique et interministériel intégrant toute la filière, d'amont en aval.
> Favoriser l'émergence d'une interprofession unique regroupant des organisations trop nombreuses et divisées.
> Tourner l'ONF vers une logique de résultat en terme de mobilisation des bois.
> Orienter vers les résineux et stimuler le renouvellement de la forêt française.
> Réformer la fiscalité de l'amont et limiter les possibilités d'exportations de grumes.
> Ne plus faire du bois énergie une priorité mais l'orienter vers la consommation raisonnée des déchets locaux de la filière.
> Réorienter les aides à l'aval pour soutenir davantage le bois d'oeuvre.

Ces recommandations ne sont bien sûr pas des décisions en l'état. Mais certaines pistes sont plus urgentes à suivre que d'autres : on pense à la limitation des exportations de grumes qui permettrait de relocaliser une bonne partie de la transformation et de sauver de nombreuses scieries soumises à une concurrence faite de dumping social et de spéculation. Par ailleurs, si les rapporteurs saluent la réussite du douglas, suggèrent d'accentuer la recherche et le développement de produits techniques à partir du bois ou bien voudraient consacrer une partie de la production de bois à des produits au haut-de-gamme et de luxe qui réussissent si bien à notre pays, il sont moins diserts sur la valorisation actuelle de la ressource en feuillus. Pourtant, la réorientation de la ressource prend des lustres et nos chênes comme nos hêtres pourraient trouver bien des usages. A quand un décret imposant une proportion de feuillus dans tous les usages du bois et notamment dans la construction bois  ?
(08/04/2015)






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