Le génie de Joulin s’exporte bien

L’entreprise Joulin, c’est d’abord l’histoire d’un ingénieur-inventeur, Michel Joulin, qui a eu de bonnes idées et a su les mettre en application simplement et efficacement. Lorsqu’il crée son entreprise, il y a plus de cinquante ans, il se spécialise rapidement dans le domaine du dépilage/empilage dans l’industrie du bois. Pourquoi le bois ? "Il y avait peu de concurrence et les préhenseurs classiques ne convenaient absolument pas. Ces derniers utilisaient de fortes dépressions appliquées sur de faibles surfaces par des ventouses. À l’inverse, nous avons utilisé des dépressions beaucoup plus faibles réparties sur le maximum de surface", précise-t-il. Car c’est bien là qu’est l’idée : au lieu d’aspirer fortement en un seul point, les équipements Joulin optimisent leurs efforts en les répartissant. Les préhenseurs sont en forme de longs rectangles, percés de dizaines de trous de petite taille, par lesquels la machine aspire l’air. Pour permettre la dépression, qui solidarise la pièce à déplacer au préhenseur, une mousse, percée elle aussi, assure l’étanchéité. Ainsi, même des pièces de bois à l’état de surface irrégulier peuvent être saisies sans problème. La mise au point et la diffusion de ce système ont permis à l’entreprise d’acquérir un grand savoir faire technique de préhension par le vide.

Dès le premier équipement, une des conséquences du système de répartition est qu’il nécessite une puissance modeste. Un simple aspirateur ménager peut le faire fonctionner, ce qui a été le cas des premiers. Autre originalité, hormis les châssis, toutes les pièces utilisées par l’atelier de fabrication peuvent se trouver facilement partout. Elles sont soit standard, soit de marques distribuées à l’international. De nature robuste, les systèmes de manutention Joulin sont simples. "Certains ont plus de trente-cinq ans et fonctionnent encore. Nous n’avons pas de contrat de service après-vente : nos clients n’en ont pas besoin. Mais la politique a été de donner satisfaction, quel qu’en soit le coût. C’est d’ailleurs de changer une turbine en moins de 24 heures aux Etats-Unis, qui nous a permis de prendre pied aux USA et de créer Joulin North America, en Caroline du Nord. Cette politique a permis d’attirer l’attention des grands fabricants notamment allemands qui ont incorporé notre matériel dans leurs installations, ce qui est en quelque sorte une consécration", déclare, à juste titre très fier, Michel Joulin. Mais, même à l’époque, il est loin de s’endormir sur ses lauriers. Dès 1969, il met au point un caisson universel à clapets auto-pilotés, qui améliore le préhenseur de base en le rendant polyvalent. De quoi s’agit-il ? Dans l’appareil d’origine, l’aspiration se fait en continu au travers de multiples trous. Si un trou n’est pas recouvert par la pièce à manutentionner, on perd en puissance. Si plusieurs trous sont libres, on ne peut plus maintenir la pièce. Pour remédier à cette faiblesse, Michel Joulin conçoit un clapet, constitué d’un trou en forme d’entonnoir et d’une bille. En fonction de la forme du trou et du poids de la bille, il fait en sorte que celle-ci bouche les orifices inutilisés. Le résultat : là où il y a du bois, celui-ci est aspiré et où il n’y en a pas, les clapets se ferment pour éviter toute déperdition. Plus performant pour le bois, ce nouveau produit ouvre la voie à la prise de produits en couches sans réglage, qu’il s’agisse de lames de parquet ou de boîtes dans un carton.

Avec ce système, pratiquement tous les types de produits peuvent être manipulés. D’ailleurs, pour chaque application, Joulin réalise des essais et adapte sa conception pour l’optimiser. Le nombre de trous, le débit d’air, la densité de la mousse, tout a une influence et constitue le savoir-faire de l’entreprise, bien au-delà de ses brevets. L’ensemble des éléments sont réalisés et testés sur place. D’un entretien extrêmement réduit, insensibles aux états de surface, à la déformation, aux sciures, aux poussières et à l’humidité, les systèmes sont à 60% fournis à des constructeurs de machines qui les intègrent à leurs produits et les exportent eux-mêmes, soit avec les têtes d’aspiration seules, soit avec les automatismes ou la structure complète. Les 40% restants sont commercialisés en tant que système autonome. La polyvalence du principe et l’insistance de clients japonais a conduit l’entreprise au delà des frontières et du secteur bois, dans le domaine des produits alimentaires ou des cosmétiques, avec des potentiels de développement considérables. Aujourd’hui, Joulin est le leader mondial incontesté dans le domaine de la manutention des produits difficiles. "Nous faisons 70 à 80% de notre chiffre d’affaires à l’export, dans 80 pays sur les 5 continents et plusieurs milliers d’ensembles fonctionnent dans le monde. En plus de notre implantation aux USA, menée par mon fils, François Joulin, nous sommes présents en Allemagne, en Suède et en Angleterre", conclut Michel Joulin. On peut ajouter que ce succès a été largement reconnu par la distinction de l’entreprise et de son dirigeant au travers de nombreuses récompenses.